Bielsa : le bilan critiquable d'un entraineur à défendre

Après une première partie de saison exceptionnelle, l’OM restait sur une lourde série de défaites avant de se relever contre Metz vendredi soir. Depuis quelques jours, les critiques envers l’entraîneur Argentin se multiplient alors que le malaise régnant dans le vestiaire a été rendu public. C’est dans ce contexte que deux camps débattent sans pouvoir se mettre d’accord sur Marcelo Bielsa. Faut-il le défendre ou le critiquer ? Loin de devoir s’opposer, ils devraient se rejoindre et si Bielsa est critiquable, il doit tout de même être défendu. Derrière ce débat s’opposent les dogmatiques de la manière et ceux du résultat.

Les « anti » Bielsa fondent leur analyse sur des considérations conjoncturelles

L’idée générale est de dire que les « pros » et « anti » Bielsa ne débattent pas de la même chose et qu’il est donc tout à fait normal que leurs discussions se soldent par des dialogues de sourds. Lorsque les critiques sont développées sur la gestion de Bielsa, elles se basent sur des éléments conjoncturels. On parle alors de résultats et de conséquences à en tirer. Avant son match face à Metz vendredi soir, l’OM comptait très exactement 50% de victoire pour 34 matches en Ligue 1 et deux éliminations prématurées en coupes. Cela en sachant qu’après la 19ème journée de L1, ce pourcentage était de 68%. Si la portée de ces statistiques doit être limitée par le fait que le nombre de matches considérés n’est pas suffisamment important, force est de constater qu’à la trêve l’OM était champion d’automne. Aujourd’hui, le club se bat pour accrocher une place qualificative en Coupe d’Europe qui s’éloigne à chaque journée de championnat. Du côté de la gestion de groupe, il ne peut être éludé que la cohésion du vestiaire marseillais semble de plus en plus branlante et les images des matches montrent une certaine incompréhension du système de jeu par les joueurs olympiens. Toutes ces remarques que l’on peut lire partout sont incontestables. Elles relèvent de l’analyse des faits, d’un contexte bien particulier à partir duquel on tente de tirer des conclusions. Ainsi, les « anti » Bielsa dressent le bilan du coach et prennent le parti de critiquer ses performances à la tête de l’OM. Soit. Il est tout à fait possible de prendre d’autres éléments en compte et de tenter d’argumenter dans le sens d’une analyse contraire mais la question n’est pas là. Le vrai débat soulevé par le cas de l’entraîneur argentin ne se situe pas sur son bilan comptable, sur ses résultats, mais bien sur une idéologie, une vision. Trivialement, le monde du football schématise ce débat en opposant « la manière » et « le résultat ». Les uns diront que prôner le résultat relève d’une réflexion conjoncturelle et que la manière sans le résultat est inutile. Tout à fait juste. Les autres souligneront que l’équilibre d’un résultat sans la manière est fragile et n’a aucun sens. Ils ajouteront que le jour où le résultat échappe, il ne reste alors plus rien. Ce point de vue paraît également difficilement contestable. Que faut-il privilégier et est-il simplement possible d’apporter une réponse logique et dépassionnée ?

Les « pros » Bielsa défendent de manière structurelle l'idéologie d'un homme

Aucune réponse ne sera apportée à la question qui vient d’être posée et ce pour la simple et bonne raison qu’il n’en existe pas. Ces préférences pour la manière ou le résultat sont propres et fondent la réflexion de chacun. Elles ne sont ni quantifiables, ni critiquables et encore moins explicables. Elles sont, tout court. Les observateurs critiques de Bielsa expriment donc une préférence pour le résultat qui n’est a priori aucunement contestable par nature et ils s’opposent en cela aux défenseurs de l’ancien entraîneur de Bilbao. En privilégiant la manière, les défenseurs de Bielsa s’extirpent des considérations contextuelles dont relève le résultat et adoptent une position plus structurelle, mais en rien plus attaquable. Ils louent alors la vision du football d’un homme dogmatique et érigent ainsi en qualité ce qui pourrait être qualifié de défaut. C’est à ce titre que l’on entend parler de la fameuse « méthode Bielsa », mais également du fait que certains des plus grands entraîneurs actuels font de l’Argentin un modèle à suivre. Guardiola se dit être un de ses disciples et nombreux sont les joueurs qui disent avoir été marqués à vie par leur passage sous ses ordres. Cela peut être expliqué par la vision du football de cet homme qu’il ne s’agira pas de détailler, sa culture footballistique pourrait-on dire. C’est un entraîneur qui vit le football, le théorise et insuffle à ses équipes une véritable idée directrice de laquelle elles ne sauraient s’éloigner. Mais le fait est que comme précédemment, les défenseurs du « penseur » Bielsa n'ont pas d’argument plus décisif que ceux qui le critiquent. On comprend dès lors assez bien comment les débats opposant ces deux camps ne peuvent aboutir.

La France ne peut cependant pas rejeter la plus-value apportée par un théoricien du football

Pour autant, le cas Bielsa est tout particulier dans notre pays et il a été dit que ses deux opinions contraires devraient finalement se rejoindre. En effet, puisqu’aucun des deux camps n’est capable de donner d’argument décisif à l’autre (sinon par définition il n’y aurait pas de « débat Bielsa »), il faut partir du principe que les deux sont dans le vrai et tenter de les réconcilier. Pour ce faire il faut prendre en compte le contexte du football français. Dans Ce Pays qui n’aime pas le foot comme l'écrit Joachim Barbier, force est de constater que les hommes comme Marcelo Bielsa ne sont pas légion. Ce dernier apporte une plus-value inestimable qui est celle d’un entraîneur provenant d’un pays où l’on a une véritable « culture football ». Alors il faut défendre Bielsa non pas pour ses résultats mais pour l’intellect qu’il apporte à notre championnat. Pour sa vision du foot si rare et que l’on ne connaît que très peu en France. Ainsi la réflexion conjoncturelle conduit l’observateur dépassionné à critiquer l’Argentin sur son bilan à la tête de l’OM, mais la prise en compte de la structure du football Français pousse à le défendre. Étant donné que la défense et la critique ne se font pas sur le même plan, on ne se contredit pas à soutenant qu’il est possible de faire les deux. Un parallèle peut être dressé avec un débat sur un autre Argentin. Il est bien sûr question de Javier Pastore et de ses saisons blanches au PSG. Évidemment, le meneur de jeu était critiquable, mais ses défenseurs ne demandaient pas qu’on le couvre de lauriers, ils demandaient simplement qu’un élément aussi rare dans ce championnat soit encouragé dans l’espoir que d’autres joueurs comme lui fleurissent. Marcelo Bielsa est différent et sa réflexion est une avancée pour notre L1. Critiquable oui, mais à encourager pour la progression de notre football. Alors, Bielsa no se va, mais pas pour son bilan non. Pour ce qu’il apporte à notre « culture football », qui reste à constituer.

Alli Assié

Yo,

L’article que je viens de lire est bien rédigée, la prose est claire et le développement limpide, non sans omettre de fouiner dans les aspérités du problème qu’est la rencontre de Bielsa avec les acteurs du foot Français (manichéisme pseudo-critico-réaliste versus idéalisme pseudo-philosophique), tu arrives à une conclusion qui me plait et qui se justifie bien, qui donne une vraie posture à adopter.

Car le problème au fond, c’est que Marcelo Bielsa déstabilise. Souvent est employé le verbe « déranger », que ça soit par Pedretti d’Auxerre, Antonetti à Nice, qui sais-je où savais-je… Qu’estce que ça veut dire, « déranger » ? L’idée n’est pas aussi sentimentaliste que le laissèrent à penser ces acteurs du foot Français. Déranger c’est bousculer un ordre établi. Déséquilibrer. Sur quel équilibre repose aujourd’hui le foot Français ? Ai-je besoin de décrire en long en large et en travers ce que nous voyons et entendons, chaque week-end, mais aussi quelque mardi, mercredi et jeudi. Point trop, n’en faut. N’est-ce pas un bien que de, véritablement, déranger notre foot Français ? D’autant que Bielsa ne critique pas par le verbe, bien au contraire, lui qui en conférence essaie tant bien que mal, de façon de plus en plus pathétique, de réhabiliter nos footballeurs qui sont vexés, heurtés dans leurs egos. Mendy 30M, est-ce là la conséquence « logique » des réactions que suscitent ses fameuses méthodes, ou simplement ses idées dérangeantes sur la question footballistique ? Non, Bielsa ne dérange pas pour déranger, il dérange en proposant un autre ordre. Un ordre singulier, pour notre pays, un ordre qui fait desordre car il existe non pour les dirigeants, non pour les joueurs et leurs agents, mais il existe pour les supporters, pour la majorité. Bielsa est un démocrate du football et dans notre pays, de merde, et j’oserai paraphraser Zlatan ici, il est rerangeant, parce que nos dirigeants (y compris Labrune, qui aura eu le courage, la subtilité ou peut être le conseil voire l’ignorance, de le nommer) ne sont pas des démocrates. Tous, ils sont différents, de StÉtienne à Paris, de Rennes à Lyon, évidemment. Ils ne sont pas « tous pourris ». Ils ne sont pas des clones. Mais ils ne sont pas démocrates.

Vive le foot

Devillié

Article très bien écrit mais je vais donner mon sentiment car pour moi les arguments entre les pro-Bielsa et les anti Bielsa ne se valent pas. Le reproche que je fais aux anti-Bielsa c’est de ne pas être cohérent et d’être de mauvaise foi.
Quand je pense à Pierre Ménès qui crache son venin sur les matchs de ligue 1 parce qu’ils sont ennuyeux, on ne peut pas dans un même temps critiquer Bielsa.
Ceux qui peuvent critiquer Bielsa sont les supporters de l’OM au niveau des résultats par exemple mais les consultants ou soi-disant experts se doivent d’être neutres et donc ne pas critiquer une équipe en fonction d’un résultat, ils peuvent critiquer éventuellement la tactique mise en place, les défaillances individuelles ou collectives ou encore le jeu.

Ou alors ceux qui critiquent l’OM pour leur mauvais résultats ne peuvent pas se plaindre des équipes qui gagnent sans faire de jeu ( exemple le losc de Girard quand ils ont fini 3ème ) ou des équipes qui descendent en faisant du jeu ( Troyes il y a 3 ou 4 ans ). Or, Pierre Ménès, pour ne citer que lui, critiquer Lille et était dégoûter que Troyes descende en ligue 2. Donc ce n’est pas cohérent.

L’om de Bielsa était spectaculaire et le défaut majeur de la ligue 1 est bien le manque de spectacle et c’est pour cette raison qu’on arrive pas à vendre notre championnat à l’étranger, on s’emmerde quand on regarde la plupart des matchs et ce n’est pas une question de niveau des joueurs mais bel et bien de frilosité des entraineurs.

Pour finir, les anti-Bielsa avait pour argument ultime qu’il ne les regardaient pas dans les yeux lors des conférences de presse et qu’il n’avait pas fait jouer Doria ( qu’ils n’avaient jamais vu jouer non plus d’ailleurs mais bon comme il a coûté 8 millions c’est forcément un crack ^^). Ce sont les reproches que j’ai entendu le plus envers lui, c’est dire le niveau d’analyse de nos soi-disant experts du foot. ( a part l’after foot, les autres émissions sont d’un niveau pitoyable ).

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