L'erreur d'arbitrage n'existe pas

Parmi les sujets de débat sensibles que le football engendre, l’arbitrage tient indéniablement une place particulière. Peut-être encore plus depuis que le Board de la FIFA a annoncé le 5 mars l’autorisation de l’assistance vidéo à titre expérimental. Garant de l’application des Lois du Jeu, la performance de l’arbitre est souvent analysée par ses « erreurs ». À suivre de nombreux commentaires, ses décisions priveraient telle ou telle équipe d’un résultat en n’accordant pas un pénalty après une supposée main dans la surface ou en refusant un but pour hors-jeu, excluant un joueur après un geste dangereux, etc. L’objectif de cet article est de proposer un modèle de réflexion qui permette de montrer que l’erreur d’arbitrage n’existant pas, il est tout à fait inutile de discuter les décisions arbitrales. Si la démonstration est convaincante, il suffira de la développer pour appliquer le raisonnement à l’arbitrage vidéo et ainsi régler ce débat interminable. Bien sûr, la tâche n’est pas aisée et ce qui suivra n’aura pas la prétention d’être infaillible. Simplement, il faut voir que ceux qui critiquent en permanence les erreurs d’arbitrage ont une conception bien particulière du rôle de « l’homme en noir ». Il s’agira donc de leur opposer une autre vision qui permette d’apporter une solution au prétendu problème des erreurs arbitrales. Ainsi, si l’erreur d’arbitrage n’existe pas, c’est parce que la question de savoir si l’arbitre peut se tromper n’en est pas une.

« L’arbitre a toujours raison » car sa décision est finale

Le premier élément qu’il convient de développer dans cette vision de l’arbitrage procède d’une expression que l’on entend bien souvent. Selon cette dernière, l’arbitre aurait toujours raison. Si tout le monde comprend ce que cet élément de langage signifie, il faut le déconstruire pour en saisir le sens véritable et, pour ce faire, s’interroger sur la raison d’être de l’arbitre. Quel que soit le domaine dans lequel il officie, il n’est pas d’arbitre sans conflit, qu’il soit futur ou actuel. Cela tombe sous le sens, mais si l’on a besoin d’un arbitre en football, c’est bien parce que les deux équipes ne sont pas en capacité de faire elles-mêmes application des Lois du Jeu. Ainsi, on nomme une tierce personne pour faire ce dont les deux équipes sont incapables vu leur subjectivité. Certes, mais cela ne nous dit pas pourquoi l’arbitre a toujours raison. En revanche, l’on peut déjà en tirer un enseignement : puisque le postulat est que les équipes ne peuvent s’arbitrer seules, qu’on explique en quoi elles sont légitimes pour critiquer la prestation de l’arbitre après match… Illégitimes avant, mais légitimes après, quelque chose est ici illogique.

En réalité, l’arbitre ne peut pas se tromper, car sa décision n’est pas susceptible d’être remise en cause. Une fois n’est pas coutume, on peut prendre appui sur la Loi 5 au terme de laquelle « Les décisions de l’arbitre sur des faits en relation avec le jeu sont sans appel, y compris la validation d’un but et le résultat du match ». Cette référence aux Lois du jeu ne doit pas être prise pour un argument d’autorité. En effet, la loi 5 n’est qu’un rappel de ce qui se passe déjà dans l’arbitrage juridique, ce mode de résolution extrajudiciaire des litiges où les parties désignent un tiers pour donner une solution à leur conflit. Cette décision, appelée sentence arbitrale est en principe insusceptible de révision par les juges étatiques. On le voit, dans les deux cas, la décision de l’arbitre est donc finale. Il semble qu’il ne faille pas aller chercher bien loin la justification de cette règle. Le rôle de l’arbitre est de mettre fin à un différend, tant en football qu’en droit. Ainsi, si l’arbitre a toujours raison, c’est tout simplement parce que sa décision ne sera pas remise en cause. Mais revenons au football uniquement.

Que tirer de ceci ? Les parties prenantes au football devraient pourtant le savoir, il est inutile de discuter de quelque chose que l’on ne pourra changer. Bien sûr, des décisions arbitrales a priori « contestables » engendrent des frustrations de la part de certaines équipes ce qui se comprend dans le domaine sportif. Pour autant, on ne peut que considérer que les multiples déclarations de Jean-Michel Aulas (entre autres) sur l’arbitrage n’ont absolument aucun intérêt. On pourra objecter que tout le monde est au courant que de discuter les décisions arbitrales est inutile. Certes. Mais dès lors, pourquoi chaque week-end ou presque, observateurs et parties prenantes débattent des prestations arbitrales et de leurs conséquences ? Si tout le monde en était réellement convaincu, personne n’en parlerait (à moins d’opération de communication pour offrir du répit à l’équipe perdante). De plus, il a déjà été souligné que les équipes ne sont tout simplement pas légitimes à critiquer les décisions arbitrales puisque par essence, elles sont inaptes à s’arbitrer seules. Ainsi, ces premiers éléments permettent de souligner que même si l’erreur d’arbitrage existait, il serait tout à fait inutile de la discuter. Or contester quelque chose que l’on ne peut changer est vain d’une part, irrespectueux de l’esprit sportif d’autre part. Peut-être ces contestations sont-elles dues à un élément autre, qui dépasse le caractère final de la décision arbitrale. Peut-être ces personnes contestent-elles certaines décisions, car elles seraient « fausses » ?

L’infraction aux Lois du jeu n’a pas d’existence objective. Un coup de sifflet suit une interprétation subjective (et donc possiblement différente selon les arbitres) d’une situation de jeu.

À ce stade donc, l’arbitre ne peut pas se tromper puisqu’on ne peut le contester. Mais cela ne dit pas si, hors de cet argument « procédural », l’arbitre ne se trompe effectivement jamais. Autrement dit, ce qui a été montré jusqu’à présent est que si l’arbitre siffle penalty, rien ne sert de discuter sa décision, mais rien n’a été souligné quant à la légitimité de siffler une telle faute. C’est cet élément précis qui sera examiné. Mais avant de rentrer dans les détails, une précision semble importante. Tout ce qui suivra ne concernera que des occasions où la violation des Lois du jeu n’est pas grotesque et seront exclus les cas de sorties de balles et de hors-jeu. Ainsi on ne parlera pas de cas où un joueur fera un tacle par derrière les deux pieds décollés sur la jambe d’appui, ou encore d’une main volontaire dans la surface où le joueur se prend pour le gardien. Il sera ainsi question de toutes ces actions de jeu incertaines qui agitent les débats dans les médias. Ceci parce que ce sont ces actions qui posent problème et soulèvent l’épineuse question de l’arbitrage vidéo. Ceci posé, il faut s’interroger sur la nature réelle d’une faute sifflée par l’arbitre. La faute existe-t-elle objectivement ou n’est-elle créée que par une interprétation subjective d’une action de jeu ? La question est importante puisque si la faute existe objectivement, alors l’arbitre qui ne la sifflerait pas commettrait une erreur (qu’on ne pourrait néanmoins pas remettre en cause cf. supra). À l’inverse, si la faute était une interprétation subjective d’une action de jeu, alors l’erreur d’arbitrage n’existerait pas. Puisque le fait de savoir s’il fallait siffler ou non varierait d’un arbitre à un autre et que la décision de l’arbitre est finale, personne ne pourrait donc dire si l’arbitre avait raison ou tort.

En écartant les infractions grossières aux Lois du jeu, il semble bien que la faute soit créée par une interprétation subjective ce qui peut être montré par un raisonnement par l’absurde. Partons du principe que la faute a bien une existence objective. Ainsi, pour toutes les actions dont il est question, toute infraction aux Lois du Jeu devrait être sanctionnée par tout arbitre sans exception. Dire cela ne sous-entend pas que l’arbitre n’a pas de doute au moment de siffler. Cela signifie simplement que si l’arbitre ne siffle pas car sa vision est troublée par la rapidité du jeu ou autre, il se trompe. Chaque observateur peut se figurer à coup sûr une action de jeu ayant provoqué un débat sans fin sur le point de savoir si l’arbitre devait siffler ou non. Pénalty, pas pénalty, action de jeu ou non sur un hors-jeu de position, main volontaire ou pas. Un exemple de ce type montre bien que personne n’est capable de dire avec certitude s’il y avait infraction aux Lois du jeu. Et si chaque observateur avait pu trancher la situation en des sens différents, cela veut dire que l’hypothèse posée plus haut ne tient pas, car sinon, il est un moment où les protagonistes des débats se mettraient d’accord sur l’existence ou non de la faute. Donc la faute n’a pas d’existence objective et n’est qu’une interprétation d’une situation de jeu donnée par l’arbitre, selon son placement, sa psychologie, sa vision de l’action, celle de ses assesseurs, etc.

La conclusion est importante, car si la faute est toute subjective, cela veut dire qu’il n’existe pas d’erreurs, car personne ne peut prouver à l’autre camp qu’il se trompe. Et quand bien même cette démonstration ne convainc pas. Imaginons que certains soient toujours persuadés que la faute dans le jeu est complètement objective, alors il faudrait qu’il existe une instance qui puisse trancher et dire que l’arbitre s’est effectivement trompé. Ces lecteurs pourront relire le passage plus haut pour se remémorer que personne ne peut discuter la discussion de l’arbitre. Ainsi donc, le résultat est difficilement contestable, soit l’erreur d’arbitrage n’existe pas, soit elle existe mais est indifférente.

Appeler les arbitres à la psychologie est impossible si l’on considère que l’erreur d’arbitrage existe

Mais un autre argument peut aller en ce sens. Les observateurs s’accordent généralement à dire que l’arbitre doit faire preuve de psychologie dans sa prise de décision. Il doit savoir sortir les cartons quand il le faut et ne pas les donner pour préserver parfois une certaine atmosphère dans le jeu. Or on ne peut pas soutenir que la faute est objective et appeler les arbitres à faire preuve de psychologie, à moins d’être incohérent. En effet, si la faute est objective, alors la sanction prévue doit systématiquement être infligée. En réalité, parler d’une possible erreur d’arbitre et par ailleurs appeler ces derniers à être psychologues revient à scier la branche sur laquelle le raisonnement qui légitime l’erreur d’arbitrage tient. Comment peut-on déconnecter la sanction prévue par les Lois du jeu d’une faute qui est sifflée ? De quel droit l’arbitre pourrait-il en décider ? Il est garant de l’application des Lois du jeu, mais ne pas appliquer une sanction revient à ce qu’il s’arroge le droit de modifier ces règles, or c’est le rôle du Board de la FIFA, pas le sien. La seule justification est, là encore, d’admettre que c’est l’interprétation de l’arbitre qui crée la faute et non le comportement des joueurs, que la faute est subjective et non objective. Ainsi d’une part on légitime la psychologie arbitrale que tout le monde appelle de ses voeux, mais plus important encore, on explique également pourquoi tant d’actions de jeu donnent lieu à des débats sans fin pour savoir s’il y avait faute ou non, sans que personne ne sache convaincre l’autre camp. L’explication est simple, tout le monde a une interprétation d’une action de jeu, mais seule celle de l’arbitre compte. Est-elle meilleure ou moins bonne qu’une autre ? Non, simplement, c’est la seule qui soit pertinente, tout en étant ni vraie ni fausse, ni juste ni injuste.

Il a été dit qu’il suffisait de prolonger le raisonnement pour donner un argument fort contre l’arbitrage vidéo. En effet, puisque la faute n’existe que parce que l’interprétation subjective fait décider l’arbitre de siffler, pour quoi vouloir rajouter une autre interprétation subjective des images vidéos ? Rentrer dans le débat des problèmes des modalités d’application de la vidéo pour en réfuter l’utilité n’est pas nécessaire. Il suffit de voir que si l’arbitre n’a ni raison ni tort, alors il est tout à fait inutile de l’assister dans sa prise de décision. Cela ne fera que changer la nature profonde de cet acteur du jeu, créateur d’incertitude, de frustration. Or qu’est-ce que le football si ce n’est la frustration de ne pas savoir quel résultat donnera le match auquel on assiste ? Vouloir de l’assistance vidéo, c’est penser corriger d’éventuelles erreurs arbitrales, qui pourtant n’existent pas.

Il existe néanmoins des actions de jeu « objectives » qui doivent être traités différemment

Mais hors de tous ces cas d’actions de jeu polémiques, ne peut-on pas penser à d’autres qui seraient parfaitement objectives et qui pourrait donc donner lieu à une erreur d’arbitrage ? Bien sûr, tous les franchissements de ligne en sont de bons exemples et la Goal Line Technology est déjà en application. Soit le ballon est rentré, soit il ne l’est pas et la technique permet de le savoir. Cette information que reçoit l’arbitre ne lui laisse aucune marge d’appréciation. Il ne peut finalement refuser le but que s’il décide d’arrêter le jeu avant, c’est à dire en sifflant une faute qui elle, résultera de son interprétation subjective. Si on considère que l’arbitre n’a aucune interprétation à fournir pour savoir si le ballon a ou non franchi la ligne, c’est dire en quelque sorte qu’il ne décide même plus. C’est en cela qu’on peut être favorable à une telle technologie arbitrale. Qu’en est-il dès lors des autres sorties de balles ? Il est vrai qu’on pourrait imaginer une même technique qui informerait l’arbitre d’une sortie et ce dernier arrêterait donc le jeu sans avoir le choix, pourquoi pas. Mais il n’est pas certain que ce soit vraiment le coeur des débats qui agitent les observateurs du football quant à la vidéo. Reste à voir les cas de hors-jeu qui ont une grande importance dans le déroulé du match puisque l’arbitre refuse ou accorde un but en considération de cette situation, interrompt des attaques dangereuses ou les laisse se poursuivre. N’est-ce pas la même chose que la Goal Line Technology ? En principe, on devrait être obligé répondre par la positive, soit le joueur est hors-jeu, soit il ne l’est pas et ce sans interprétation. Sur ce point précis, il faut concéder que c’est uniquement en rentrant dans le débat des modalités d’application de la vidéo que l’on peut la rejeter sur ces actions spécifiques. Imaginons une action où le juge de ligne lève son drapeau sur une contre-attaque extrêmement rapide. L’arbitre central arrête le jeu et la vidéo permet de voir qu’il n’y avait pas hors-jeu. Comment revenir en arrière ? Jamais la remise en jeu ne replacera l’équipe sanctionnée dans la même situation que celle dans laquelle elle était au moment du coup de sifflet, ce qui n’est pas acceptable. Il faut néanmoins admettre que si pour refuser des buts, la technique serait intéressante, le fait qu’elle n’empêche pas que certaines actions soient définitivement cassées induirait une différence de traitement entre la défense et l’attaque qui ne serait pas souhaitable. Rappelons également que l’arbitre a bien un « révélateur » sur les hors-jeu, ce dernier consiste en la présence du juge de ligne. Comme il a été dit, ce raisonnement selon lequel l’arbitre ne se trompe jamais n’est pas complètement infaillible car sa mission est diverse. Il est bien des cas où il n’a rien à interpréter, or c’était bien cette interprétation qui justifiait que son erreur était impossible. Néanmoins, en ce qui concerne les actions les plus polémiques, soit celles pour lesquelles les partisans de la vidéo relancent régulièrement le débat, la question semble réglée par cette vision. La notion d’erreur d’arbitrage n’a pas de consistance quant à ces actions car l’arbitre n’a ni raison ni tort et même quand il peut objectivement se tromper, rappelons que la loi 5 purge la décision arbitrale de son « erreur ». Soit l’erreur d’arbitrage n’existe réellement pas, soit elle est indifférente. Alors pourquoi la discuter ?

bvggy

Belle démonstration. La seule menue faiblesse est sur ta ségrégation des décisions « absolues » et « sujettes à interprétation » dont la clarté n’apparaît qu’a posteriori : tu cites une poignée d’exemples, puis tu attaques par les interprétations et ce n’est qu’au paragraphe suivant (sur les franchissements de ligne) qu’on comprend réellement ce qui guide ce découpage.

Après sur le fond, je pense que ton argument ne prend pas en compte la mauvaise information de l’arbitre – sa vision partielle. Si tu fais le parallèle avec la société civile, les deux parties ont l’occasion d’exposer la situation – et l’arbitre peut même enquêter. La décision arbitrale est certes indiscutable mais tout est fait pour que cette décision soit informée. La décision de l’arbitre de football ne peut être erronée mais elle peut être basée sur des informations erronées. Et dans ce cas on peut discuter de plusieurs choses : d’une part sa propre limitation – il n’a qu’un champs de vision limitée par sa position et son orientation (dont il est seul « responsable »), et d’autre part l’aide que l’on peut lui apporter techniquement pour lui permettre de mieux percevoir la situation.

Si ses décisions sont incontestables, la performance de l’arbitre de football existe cependant et c’est quelque chose que l’on peut discuter. Cette performance c’est la capacité de l’arbitre à percevoir le jeu « au mieux de ses capacités » de manière à être en mesure de prendre des décisions informées. Sans avoir légitimité à contester une décision, un observateur est en mesure de critiquer le travail amont de l’arbitre… et peut-être d’envisager que celui-ci a fait une erreur – non pas dans l’interprétation (tu l’as démontré) mais dans l’investigation.

Peut-on aider les arbitres à mieux percevoir le jeu ? La mise en place d’arbitres de ligne était un pas dans cette direction : un arbitre de champs est limité dans sa perception spatiale et ne peut se faire une idée claire d’un alignement défensif. Sans parler du soucis de simultanéité, de perception instantanée. D’autres aides peuvent-elles être fournies pour compléter la vision du jeu en amont de la décision ?

Le mot important ici est « amont ». La décision arbitrale étant finale, elle ne peut et ne doit pas être amendé a posteriori. C’est pour cette raison que je suis opposé à l’aide vidéo telle que proposée. Ce n’est pas un outil d’investigation donnant à l’arbitre une meilleure compréhension de la situation pour l’aider à décider au mieux, c’est un outil visant à amender une décision arbitrale. J’en comprends la démarche – c’est une sorte de mécanisme d’appel (et à ce titre ce devrait d’ailleurs être aux parties de faire le choix de l’utiliser ou non, pas à l’arbitre) – mais elle bat en brèche l’argument si bien présenté dans l’article : la décision arbitrale devient contestable, l’erreur arbitrale fait réellement son apparition.

Une Théorie du Football

Merci à toi !

Tu as raison, l’opposition pourrait être plus claire, mais j’ai choisi de faire comme cela pour ne pas alourdir l’article avec des hypothèses, distinctions préliminaires, etc.

Pour l’insuffisante information de l’arbitre, c’est vrai c’est question que je n’aborde pas. Mais pour m’opposer à ton argument, il faudrait rentrer dans les modalités d’application de la vidéo. Je ne pense pas que l’assistance de la vidéo aide véritablement l’arbitre dans les cas les plus extrêmes. Bien sûr, elle pourra l’aider dans des cas assez faciles, mais ces cas là ne font pas vraiment polémiques. Doit-on dès lors faire une révolution de l’arbitrage pour aider l’arbitre à prendre des décisions qui a priori ne changent pas le cours du match ou ne font pas vraiment débat après coup ? Je pense que non, mais pourquoi pas 🙂

Pour ce que tu dis sur l’investigation, je suis d’accord c’est possible. Le problème n’est plus ici théorique, mais pratique, l’action va tellement vite que cette investigation se fait souvent après coup. Et on sait bien que les joueurs ne sont pas forcément aptes à être sincères sur le déroulé du problème par exemple.. Du coup cette erreur d’investigation qui je suis d’accord ferait renaître l’erreur d’arbitrage ne peut pas vraiment être considérée à mon sens. Justement parce que l’investigation est un peu vaine et que le football est un sport de rythme, donc il faudrait casser cela pour permettre « l’enquête »
Mais je ne peux pas te donner d’argument décisif or de l’argument pratique !

Noé Bishop

Merci de ce long et bel argumentaire concernant l’arbitrage et ses erreurs réelles ou supposées.
La question continue néanmoins de se poser pour ce qui a échappé à la vigilance du corps arbitral, même des infractions grossières aux Lois du Jeu (simulations, agressions).

Très concrètement, que faire du cas Zidane 2006 ?
– autoriser l’assistance vidéo entre la commission d’un fait et la prise de décision de l’arbitre (modalités à définir)
– maintenir les Lois actuelles (et fermer les yeux sur une potentielle utilisation non prévue des images par le 4ème arbitre)

Et en parallèle, les nouvelles conquêtes doivent-elles être humaines et/ou technologiques ?
– envisager différents moyens technologiques (vidéo ou non) pour trancher les appréciations matérielles (du type franchissement de ligne, qui a touché la balle en dernier, position de hors-jeu)
– renforcer les moyens humains de surveillance du terrain et de ses abords, formation des arbitres, pouvoirs d’enquête

Sur la question des pouvoirs d’investigation de l’arbitre central, j’aime beaucoup l’idée qu’il puisse interroger les différents protagonistes (sur la réalité d’un contact notamment) avant de prendre sa décision. Un joueur ayant clairement menti pourrait alors se voir lourdement sanctionné.
Je compare souvent les arbitres de football aux juges ou aux enseignants de nos sociétés démocratiques, et me dis qu’après tout ce sont les méthodes qu’ils utilisent depuis des décennies avec un relatif succès.

Le réarbitrage à posteriori, s’appuyant sur des moyens d’investigation dont la vidéo peut faire partie, doit ici prendre toute sa place : suspensions, relaxe de cartons (amendes ?), sanctions symboliques.

bvggy

Le vrai soucis c’est que le fait pour l’arbitre d’interrompre le jeu est déjà en soi une décision arbitrale. Le coup de sifflet est le résultat d’un jugement, décision finale et incontestable comme l’indique l’auteur de l’article.
D’ailleurs au passage cela va parfaitement dans son sens : la décision arbitrale est d’autant plus incontestable qu’elle est irréversible. Bref, je ne pense pas qu’il faille pousser dans le sens d’une meilleure compréhension de la situation a posteriori, comme le proposent l’usage de la vidéo ou l’interrogatoire des joueurs, mais plutôt viser à améliorer l’appréhension instantanée de la situation par l’arbitre.
Les éléments d’investigation a posteriori peuvent avoir un intérêt après match pour mesurer la gravité d’une faute et évaluer une juste sanction, mais pas pour réarbitrer, surtout pas. D’ailleurs c’est comme ça que fonctionne la commission de discipline, si je ne dis pas de bêtises ?

Harry le Haler

Monsieur,

Vous dites tout d’abord que l’arbitre ne peut pas se tromper car sa décision est sans appel, que l’on ne peut pas revenir dessus une fois qu’elle a été prise (a fortiori le dimanche soir entre guignols sur un plateau télé). Voilà qui est très sophistique. Car vous confondez en effet le contenu de la décision et sa force. Le fait qu’une décision ne puisse pas être modifiée ne signifie nullement qu’elle est correcte. Vous peuplez votre propos d’analogies avec le droit mais vous oubliez que c’est là que vous auriez dû aller chercher vos exemples sur la force des décisions et l’étendue d’un pouvoir juridictionnel (pour des raisons de concision, je ne distinguerai pas entre le juge et l’arbitre). On remarque qu’en droit, toute décision de justice qui n’a pas été prononcée par un juge en dernier ressort devient pourtant insusceptible de recours passé un certain délai (variable selon le système juridique considéré bien sûr). Faut-il en conclure qu’entre le jugement et la fin du délai de recours, quelque chose soit intervenu qui transforme l’interprétation du juge en interprétation correcte. Attention, cela ne revient pas seulement à changer la nature du jugement mais aussi des règles qui ont étaient censées être appliquées (puisqu’elles ne s’appliquent plus de la même manière or une règle se définit par son application correcte, c’est-à-dire par ce qui est le cas lorsqu’elle est suivie). Ce mode de stabilisation des normes juridictionnelles (je vous prie d’excuser la lourdeur de l’expression) n’a pas pour but de modifier la règle appliquée mais de donner de la sécurité juridique.
Le problème n’est pas tant un problème de force qu’un problème logique. Pour que la décision de l’arbitre soit correcte de tout temps du fait que personne d’autre que lui-même ne peut revenir sur sa décision, il ne faudrait pas qu’il applique des règles mais qu’il les crée, rôle que vous attribuez pourtant au Board de la Fifa. En refusant l’idée de mauvaise application de la règle vous avez en effet reconnu qu’il n’y avait pas non plus de bonne application de la règle (ces concepts sont liés par des relations internes) ; par conséquent vous abolissez l’idée même de règle. L’on passerait alors de l’arbitrage à l’arbitraire. Cela ne poserait pas de problème si les conséquences de votre propos étaient seulement moral, mais elles sont logiques et le propos devient en fait un non-sens. Car pour abolir le concept de règle il ne faudrait pas seulement que l’arbitre juge comme il veut, il faudrait aussi admettre que la compréhension de sa tâche est un petit miracle qui n’a aucune raison de se reproduire. Il serait tout à fait concevable qu’au lieu d’arbitrer il se trouve être dans les tribunes en train d’encourager une équipe, ceci en vertu même de la règle qui l’institue comme arbitre. Qu’un arbitre (il s’agit d’un prédicat non d’une substance, ou si vous préférez d’un arbitre en tant qu’il est arbitre) fasse ceci cela n’est pas concevable logiquement (il peut très bien pratiquer la pétanque mais ce ne sera pas en tant qu’arbitre ; l’arbitre qui joue à la pétanque joue à la pétanque par accident, le bouliste qui arbitre arbitre par accident, l’arbitre qui arbitre se livre de manière substantielle à l’arbitrage ; je rajoute qu’il n’est pas impossible qu’une même personne soit tantôt arbitre, tantôt bouliste, ce sont des statuts, c’est à dire des descriptions). Bref il faudrait revoir tout notre concept d’arbitrage.

Vous parlez ensuite d’absence d’existence objective de la faute.
Il est tout à fait amusant que vous excluiez dès le départ ce que l’on pourrait appeler des « cas faciles » d’interprétation. Il est très important de voir que ces cas faciles constituent la majorité des cas. Cela ne saute pas aux yeux car vous n’évoquez bien malgré vous que ceux où la règne n’est pas suivie. Mais pensez surtout à ceux où la règle est suivie ! Pensez simplement à toutes les fois où un joueur touche le ballon avec les pieds sans même que l’on se demande s’il avait été possible de siffler main ! Vous pensez légitime d’exclure ces cas car il vous semble marginaux mais il s’agit bien des cas les plus communs !
Vous écrivez : « La question est importante puisque si la faute existe objectivement, alors l’arbitre qui ne la sifflerait pas commettrait une erreur […]. À l’inverse, si la faute était une interprétation subjective d’une action de jeu, alors l’erreur d’arbitrage n’existerait pas. Puisque le fait de savoir s’il fallait siffler ou non varierait d’un arbitre à un autre, que la décision de l’arbitre est finale, personne ne peut donc dire si l’arbitre avait raison ou tort. »
Pour que « le fait de savoir s’il fallait siffler ou non » (affreux barbarisme, vous en conviendrez) dépende de chaque arbitre, il faudrait que chacun ait sa propre définition de la faute (restons-on à cette catégorie de coup de sifflet). On se trouve alors en plein mythe de l’intériorité : d’une part on fait l’impasse totale sur le fait que l’on a bien appris à se servir de différents mots dans le langage et que le langage a lieu dans le monde ; d’autre part on se retrouve alors en prise à un concept flottant sans aucun critère d’application dans la mesure où la personne qui l’utilise n’a aucun critère lui permettant de savoir si elle l’a bien utilisé ou non (il faudrait alors ne plus distinguer entre appliquer la règle et croire appliquer la règle. Les règles supposent un langage public, une règle dont les seuls critères de correction sont privés n’est pas une règle du tout).
« Donc la faute n’a pas d’existence objective et n’est qu’une interprétation d’une situation de jeu donnée par l’arbitre, selon son placement, sa psychologie, sa vision de l’action, celle de ses assesseurs, etc. » Vous énoncez là un truisme, à savoir qu’il y a toujours un « je » qui accompagne un acte de conscience tel que le jugement, mais vous oubliez que le jugement porte bien sur le monde. Quand l’arbitre se prononce sur une situation qu’il a vue, même s’il l’a vue d’un certain point de vue (ce qui peut l’amener à commettre des erreurs), il l’a bien vue dans le monde ! S’il se prononçait sur une vision qu’il a eu dans la tête, son discours serait incompréhensible car il nous montrerait quelque chose que lui seul peut voir ! (et de plus on ne comprendra jamais pourquoi cette vision serait plus aisément visible que le monde lui-même ; il faudrait également la percevoir grâce à une autre vision et ainsi à l’infini).

Vous terminez en disant que c’est bien l’absence d’erreur d’arbitrage qui rend nécessaire la psychologie dans l’arbitrage. Vous ajoutez : « Comment peut-on déconnecter la sanction prévue par les Lois du jeu d’une faute qui est sifflée ? De quel droit l’arbitre pourrait-il en décider ? Il est garant de l’application des Lois du jeu, mais ne pas appliquer une sanction revient à ce qu’il s’arroge le droit de modifier ces règles, or c’est le rôle du Board de la FIFA, pas le sien. »
Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que toute application d’une règle ne donne pas lieu à une situation juste (sans quoi il n’y aurait pas lieu de légiférer). Dès lors il est évident que la non-application d’une règle du jeu par l’arbitre peut servir l’intérêt de jeu. Ainsi parce que ne pas faire preuve de psychologie pourrait conduire à certaines tensions qui s’opposerait à la mission de sécurité dévolue à l’arbitre. Comme toute personne agissant, l’arbitre hiérarchise des objectifs (ou des valeurs si vous préférez) qui peuvent être incompatibles les uns avec les autres. Or il est possible qu’appliquer strictement les règles soit contraire aux fins en vue desquelles ces règles elles-mêmes ont été adoptées. Il doit alors trancher (trancher en faveur de l’application stricte des règles indépendamment de toute téléologie est évidemment un bon moyen d’obtenir la paix de la part de Gros Ménes). Globalement, votre erreur est sans doute d’adopter une conception mécanique (et très simpliste, pour ne pas dire simplette) de la règle (et ceci sans vous en rendre compte mais c’est pourtant ce qui découle votre exposé) : si elle ne s’applique pas avec évidence partout, elle ne s’applique jamais, il n’y a donc pas de règle. Le sophisme repose sur l’oubli de quelque chose de fondamental : la règle ne s’applique pas toute seule, il faut bien qu’un agent veuille la suivre.

Je terminerai en disant que, à mon humble avis, votre exposé souffre d’un mélange des genres. Vous tentez d’invoquer des remarques logiques pour vous opposez aux débats sur l’arbitrage et ainsi contester la légitimité du recours à la vidéo. De ce fait bous manquez le débat. Si le débat était logique, le recours à la vidéo ne serait pas contestable du point de vue de ses conséquences mais parce que ce qu’il s’agirait d’apporter serait in-compréhensible au sens le plus strict du mot, c’est-à-dire qu’on ne pourrait pas se le figurer. Or on comprend très bien les enjeux pratiques du recours à la vidéo et un site comme Les Cahiers du Foot les a exposés à plusieurs reprises avec une agréable clarté (l’argument le plus important étant selon moi que certaines décisions ne sont pas plus simples à prendre à la vidéo, et ces cas seraient l’occasion d’imbroglios terribles). Les enjeux sont sportifs, pas logiques et il est important de ne pas faire de confusion.

Une Théorie du Football

Merci pour ce commentaire très intéressant !

Je vais reprendre point par point ce que vous dites, car il semble qu’il y ait bien une méprise sur ce que j’essaie de développer dans cet article. « Vous dites tout d’abord que l’arbitre ne peut pas se tromper, car sa décision est sans appel, que l’on ne peut pas revenir dessus une fois qu’elle a été prise (a fortiori le dimanche soir entre guignols sur un plateau télé). Voilà qui est très sophistique ».
Cher ami ce n’est absolument pas ce que je dis. Ce premier argument « procédural » a pour seul objectif de dire qu’il est inutile de discuter de quelque chose qui ne pourra aucunement être remis en cause. En d’autres termes et je le dis dans l’article, le caractère final de la décision rend l’erreur d’arbitrage indifférente, pas inexistante. Je dis également à la fin de ce paragraphe que ce premier argument n’apporte rien sur la question de savoir si l’arbitre avait ou non pris une bonne décision, donc s’il y a eu erreur ou non. Ce n’est que dans un second temps que j’aborde cette question. Je dis dans l’introduction que le modèle n’est pas infaillible et c’est justement la fonction de cet argument que de parer des critiques sur le fait qu’à mon sens l’erreur soit impossible (et j’en discute dans un second temps uniquement). C’est donc un préalable, rien de plus. Par ailleurs je vous rejoins sur le contenu de votre argument lorsque vous dites que la force d’une décision ne préjuge pas de l’absence d’erreur dans son contenu, c’est exactement ce que je dis. Normal, me direz-vous. En revanche je ne peux être d’accord sur l’absence de distinction que vous faites entre le juge et l’arbitre, mais passons, c’est un débat purement juridique. De toute façon, il y a une incompréhension ou une mauvaise expression de ma part de ce premier argument 🙂

« Il est tout à fait amusant que vous excluiez dès le départ ce que l’on pourrait appeler des « cas faciles » d’interprétation. Il est très important de voir que ces cas faciles constituent la majorité des cas ». Vous le dites très bien, j’aurais peut-être dû aller chercher mes exemples en droit. Vous savez peut-être qu’une bonne majorité de la jurisprudence étudiée et des commentaires doctrinaux portent sur des « cas pathologiques ». Si j’ai fait ce choix, c’est tout simplement parce que ce sont ces actions qui font débat et qui reposent la question de la vidéo.

« Pour que « le fait de savoir s’il fallait siffler ou non » (affreux barbarisme, vous en conviendrez) dépende de chaque arbitre, il faudrait que chacun ait sa propre définition de la faute (restons-on à cette catégorie de coup de sifflet). On se trouve alors en plein mythe de l’intériorité : d’une part on fait l’impasse totale sur le fait que l’on a bien appris à se servir de différents mots dans le langage et que le langage a lieu dans le monde ». Là encore, ce n’est d’abord pas ce que je dis, ensuite vous me permettrez, j’en suis sûr, de penser que c’est inexact. La définition de la faute est unique, c’est la perception de l’action de jeu par les arbitres qui ne l’est pas.

« Vous terminez en disant que c’est bien l’absence d’erreur d’arbitrage qui rend nécessaire la psychologie dans l’arbitrage ». Je suis désolé, mais là encore ce n’est pas ce je dis. J’essaie simplement de montrer que si la faute avait une existence objective, alors l’arbitre ne pourrait jamais faire preuve de psychologie. Pourquoi ? Prenons la situation dans le cas inverse. Si la faute est objective, tout arbitre siffle. Très bien. Cet arbitre doit appliquer les Lois du jeu et ces dernières prévoient une sanction. Si tout arbitre qui siffle la faute (puisqu’elle est objective) n’applique pas la sanction, alors il modifie tout simplement la règle ce qu’il n’a évidemment pas le droit de faire. C’est encore un raisonnement par l’absurde pour montrer que si on veut que les arbitres soit psychologues, alors on ne peut pas considérer que la faute est objective, sinon cela reviendrait à autoriser les arbitres à décider quelle sanction appliquer en cas de faute, or c’est le Board qui en dispose et pas eux. Rien de plus.

« Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que toute application d’une règle ne donne pas lieu à une situation juste (sans quoi il n’y aurait pas lieu de légiférer) ». Si on ne légifère pas, je ne vois pas quelle règle on appliquerait, puisqu’il n’y en aurait justement pas. Mais de toute façon j’ai essayé de ne pas aborder le thème de la justice dans cet article, à dessein.

« Globalement, votre erreur est sans doute d’adopter une conception mécanique (et très simpliste, pour ne pas dire simplette) de la règle (et ceci sans vous en rendre compte, mais c’est pourtant ce qui découle votre exposé) : si elle ne s’applique pas avec évidence partout, elle ne s’applique jamais, il n’y a donc pas de règle ». Vous devriez peut-être poser cette question au premier juriste de formation que vous croisez. Je ne sais pas de quel côté est la conception simpliste, pour ne pas dire simplette de la règle pour tout vous dire. Je me permets de vous dire qu’une règle ne s’applique pas à l’évidence partout. J’ai même envie de dire qu’une règle ne s’applique jamais à l’évidence, on pose des critères et ces derniers doivent être remplis par les faits de l’espèce.

« (l’argument le plus important étant selon moi que certaines décisions ne sont pas plus simples à prendre à la vidéo, et ces cas seraient l’occasion d’imbroglios terribles). Les enjeux sont sportifs, pas logiques et il est important de ne pas faire de confusion. » L’objectif est justement de ne pas discuter des modalités d’application, de proposer UN modèle du rôle de l’arbitre qui permette de couper court aux arguments des pro-vidéos, avant même de parler de son application. Là encore, c’est du droit.

P.

Harry écrit:
« Vous dites tout d’abord que l’arbitre ne peut pas se tromper, car sa décision est sans appel, que l’on ne peut pas revenir dessus une fois qu’elle a été prise (a fortiori le dimanche soir entre guignols sur un plateau télé). Voilà qui est très sophistique ».

Vous répondez:
« Cher ami ce n’est absolument pas ce que je dis. »

L’article énonce pourtant
« En réalité, l’arbitre ne peut pas se tromper, car sa décision n’est pas susceptible d’être remise en cause. »

Très honnêtement je suis tout à fait prêt à croire que j’ai mal compris l’article, mais je ne vois vraiment pas en quoi le résumé de Harry « n’est absolument pas ce que [vous] di[tes] » ?

bvggy

Intéressant. Je vais me concentrer sur un seul point. Pour ce faire, je vais citer la loi 12 :

« Un coup franc direct est accordé à l’équipe adverse du joueur qui, avec imprudence, témérité ou excès d’engagement : * donne ou essaye de donner un coup de pied à l’adversaire ; […] »

Le geste du footballeur existe dans le monde mais son intention première (lorsqu’il « essaie » de donner un coup, lançant son pied dans le vide) n’existe que dans sa tête, et son imprudence, sa témérité ou son excès d’engagement n’ont rien d’absolu que dans celle de l’observateur (l’arbitre, entre autres). Arbitrer une telle situation c’est bien interpréter (subjectivement) le geste pour en déterminer l’intention et l’attitude. Non ?

Une Théorie du Football

Merci pour cet exemple, je pense que tu donnes beaucoup de crédit à l’argument que j’essaie de développer 🙂

Harry le Haleur

Trois choses :
1°) Tout d’abord, il n’a jamais été question d’abolir l’interprétation de l’arbitre ! Mais demandez-vous ce que c’est qu’interpréter dans ce cas là. S’agit-il d’interpréter la règle ? S’agit-il d’interpréter un fait ? Interpréter va consister à reformuler une proposition dans un langage (public ! un langage privé n’est pas un langage du tout !). Interpréter un fait ce sera donc substituer une description du fait à une autre. Ensuite éventuellement décider si la règle s’y applique.
2°) L’intention n’existe justement pas dans la tête (il n’est bien sûr pas question de nier une vie mentale à l’agent). Là encore, demandez-vous comment vous avez appris le concept d’intention. En outre, si l’intention était dans la tête, il faudrait donc qu’elle soit distincte de la réalisation de l’action (qui peut échouer, bien évidemment). Il faudrait donc que la situation suivante soit intelligible : j’ai l’intention de faire quelque chose, rien ne m’en empêche et pourtant je ne le fais pas. L’action n’est pas le symptôme mais bien le critère de l’intention (qui doit pouvoir revêtir une forme propositionnelle d’où le fait que je peux me tromper car la proposition qui porte sur l’état du monde dans lequel je souhaite agir peut être fausse).
3°) L’arbitre qui essaie de deviner l’intention d’un joueur regarde-t-il dans la tête du joueur ou regarde-t-il dans le monde ? Bref, qu’un joueur puisse ne pas réaliser l’action qu’il avait l’intention de faire ou qu’il parvienne à mentir sur ce qu’était son intention, son intention se manifeste toujours dans le monde.

Une Théorie du Football

Harry,

1° L’application d’une règle à une situation suppose, en cas de difficulté, d’interpréter et la règle et les faits d’espèce auxquels la règle s’applique. Sinon, je ne vois pas où vous voulez en venir.
2° et 3° Je veux bien réapprendre le concept d’intention si cela vous fait plaisir. Mais je ne vois pas ce que cela change. Tout ce qui arrive aux yeux de l’arbitre est soumis à son interprétation. C’est tout ce que je dis, le reste est indifférent. Ce que j’essaie d’expliquer est que l’action est objective dans le monde – si vous voulez. Mais c’est l’appréhension de cette action par l’arbitre qui fait sens dans le cas de l’arbitrage (et dans l’application de toute règle de droit). Cette appréhension est modulée par l’interprétation (par essence subjective) de l’arbitre.

bvggy

Je comprends mieux où tu veux en venir, Harry. Et effectivement je n’aurais pas dû parler d’intention quand la règle parle de tentative – qui en soi est une action, échouée certes.
J’essaie de reformuler, dis-moi si je me fourvoie encore.

Parmi les critères d’identification d’une faute, tels que formulés dans la loi 12 citée ci-dessus, une partie au moins utilise des mots dont la définition dans le langage se réfèrent à la mesure (« imprudence », « témérité », « excès »). Or cette mesure n’est pas elle-même explicitée : elle est tacite. Pour qu’un arbitre prenne la décision de siffler, il faudra qu’il jauge l’action pour déterminer qu’elle remplit les critères de la faute. Il va interpréter les faits (positions des joueurs, vitesses, gestuelle, etc.) et reformuler la description de l’action dans les termes de la règle. Y a-t-il tentative de coup de pied à l’encontre d’un adversaire ? Si oui, est-ce fait avec imprudence ? Avec témérité ? Avec excès d’engagement ?
Le premier critère, tu l’as dit, n’est (théoriquement) pas un problème : il y a ou il n’y a pas tentative. Quid de l’imprudence ? Est-ce imprudent de rouler à 110 sur une départementale ? Ou bien l’imprudence naît-elle dès la prise en main du volant – vu le nombre de fous roulant à 110 sur cette départementale, avouons qu’il serait plus prudent de ne pas du tout l’emprunter, n’est-ce pas ? Je digresse. Quid de la témérité ? Le joueur a-t-il péché par excès de confiance ? Par excès d’engagement ? Mais excès par rapport à quelle mesure ?
Ainsi la règle prévoit qu’il n’est pas de faute sans excès. Elle prévoit, en creux, qu’il est possible de donner un coup de pied à l’adversaire si c’est fait avec prudence, réflexion et retenue. En somme, le seul fait objectif n’est pas suffisant à qualifier la faute, il faut encore en mesurer l’excès… par rapport à une limite qui, bien que vaguement estimée par consensus, relève de la sensibilité de l’observateur.
L’arbitre va donc, à partir d’une perception partielle – et parfois erronée – d’une situation, devoir estimer en son for intérieur le respect de critères non mesurables. S’il acquiert l’intime conviction (j’utilise le terme très probablement à tort mais l’idée générale me semble correspondre) qu’il y a faute, il siffle – décision irréversible et incontestable. Qui pourra dire qu’il s’est trompé dans cette décision ?

Revenons à ton argumentation, Harry. Je crois comprendre que tu nous tiens le propos suivant : certes il est possible qu’une partie des critères soient « privés » mais ils ne peuvent tous l’être sinon la règle n’en est plus une et, par conséquent, il existe toujours au moins un critère objectif pouvant donner lieu à une erreur d’arbitrage. Par exemple, un arbitre serait dans l’erreur qui sifflerait une faute alors qu’il n’y a pas eu de tentative de coup de pied. C’est correct ?

Effectivement, il s’agit là des cas écartés dès le début de l’article car considérés comme non polémiques. L’intention n’était pas, je crois, de démontrer l’inexistence absolue de l’erreur arbitrale mais de mener une réflexion sur ce que veut dire « arbitrer » et d’en comprendre à la fois la part de subjectivité et le caractère incontestable.

David

Article très intéressant mais je me permettrais de nuancer le propos initial car l’erreur d’arbitrage existe dès lors que l’arbitre n’applique pas correctement la règle (par exemple accorder un coup franc direct pour une faute sanctionnable d’un coup franc indirect, accorder un but marqué directement sur un coup franc indirect…).

Pour le reste, effectivement il est bon de rappeler qu’un arbitre ne doit pas interpréter les lois du jeu, mais analyser les situations ou faits de jeu, et décider si ceux ci sont conformes aux dites lois. Concernant les faits de jeu, certains (une minorité) ne nécessitent aucune interprétation (le ballon a franchi entièrement les lignes, le joueur est en position de hors jeu) et relèvent uniquement de la perception visuelle (soit l’arbitre a vu, soit il n’a pas vu). Pour les autres faits, et notamment les fautes de la loi 12, il y a bien évidemment une part de subjectivité qui est d’autant plus importante que les règlements actuels n’aide pas vraiment le corps arbitral (le traitement de la faute de main est à ce titre emblématique).

Il est humain que un joueur, un coach puisse avoir une interprétation différente, mais il est impératif que tous les acteurs du foot reconnaissent fondamentalement que l’arbitre est le directeur du jeu et que ses décisions sont incontestables car il est le seul habilité à les prendre.
C’est donc avant tout un problème éducationnel selon moi

Nicolas Baudin

Excellent, Collina en don Corleone !

fateh benziane

Il n’existe pas de pouvoir discrétionnaire de l’arbitre, tout est a revoir même l'intention???????????

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